Panne de lecture… c’est grave Docteur ?

« La chair est triste, hélas, et j’ai lu tous les livres », ainsi s’alarmait Mallarmé.

En effet, quel lecteur n’a pas vécu ces moments d’écœurement où plus rien ne nous plaît plus à lire. On traîne à la librairie, à la bibliothèque, devant son étagère, on lit une 4ème de couverture, l’œil morne et la lippe tombante, on écoute d’une oreille distraite le topo du libraire, de l’attaché de presse qui nous a connu-e plus enthousiaste. Non, décidemment, on n’a plus / rien envie de lire. Ni ceci, ni cela, ni même cet auteur qu’on adule pourtant et dont le dernier opus vient de sortir, là tout frais, sentant l’encre et crissant sous les doigts. Mais non, c’est la panne. Le cauchemar du lecteur.

Osons le dire, cela arrive à tout le monde et même aux professionnels de la lecture. Je parle ici des blogueuses, instagrameuses (mettez au masculin ce que vous voulez), critiques littéraires de toute obédience. Mais que se passe-t-il donc ? Appelé en urgence à votre chevet, le spécialiste de ce trouble diagnostiquera le plus souvent une indigestion. On a lu trop, trop vite et n’importe quoi. Piochant sans distinction dans la PAL (lisez : la pile à lire). « Mais pourquoi donc lire tant, quand on pourrait lire mieux », déclarera le docte personnage en alexandrin et en criant car il parle les deux langues. Il vous conseillera une diète sévère. Au pire, si c’est une overdose, la rehab’ passera sans doute par une bonne cure de marche à pied (sans passer devant la case librairie) ou simplement d’un bon week-end devant Netflix.

Plus sérieusement, cette petite déprime du lecteur, cette baisse de régime qu’on n’aime pas du tout, bien que sans réelle gravité, n’est pas à prendre à la légère. Elle vous dit quelque chose. Elle vous signale que vous avez besoin de sortir un temps de cette spirale de lectures qui vous anime, qui vous fait vibrer, mais qui parfois vous étouffe. Et comme toutes les passions, vécues dans leurs excès, le plaisir de lire peut avoir des hauts et des bas et quand on n’y prend pas garde, c’est la crise. S’ensuit une vraie frustration, et souvent une baisse de l’estime de soi, vécue comme un véritable échec. De plus, le lecteur en panne traîne comme une âme en peine et ne sait plus comment employer son temps. Ce qui accroît son désarroi. Et comme un effet domino, les autres aspects de la vie en prennent parfois un coup aussi…

Et puis, tout à coup ça repart. Soit, on ne sait pas très bien pourquoi : un film nous aura redonné envie de découvrir un personnage, une histoire ? Un petit évènement de la vie nous aura fait repenser à un livre adoré ? Ou bien, on a pris les choses en main sérieusement avec une série de décisions salutaires : ne lire que ce qu’on aime, que lorsqu’on en a vraiment envie, ne pas commencer plus de deux livres en même temps. Allez, trois !

Et vous, comment faites-vous quand vous êtes en panne ?