Oh! Bernard Pivot !

À force, je croyais qu’il était éternel ! Mais non, notre pivot, notre Bernard Pivot, celui autour duquel nous tournions, auteurs, éditeurs, lecteurs, et qui a longtemps fait tourner ce monde, a finalement déclaré forfait à 89 ans laissant une trace profonde dans la télévision du 20ème siècle. Personnage central pour plusieurs générations d’amoureux de la langue française, des livres et des écrivains, il a permis à la littérature d’entrer en toute simplicité dans le salon des Français grâce à son émission Apostrophe devenue culte, pour ne parler que de celle-là, qu’il a animée de 1975 à 1990 chaque vendredi soir sur Antenne 2.  Sur le plateau, ça rigole ferme, ça s’apostrophe, ça s’insulte, ça discute pied à pied, un vrai plaisir, et soudain les livres, les auteurs, la littérature prenaient vie devant nous ! Des êtres de chair et de sang aux prises les uns avec les autres pour des moments d’anthologie.

Avec son air de bon copain, jamais dans l’entre-soi de l’édition, mais bien du côté des lecteurs à qui il donnait tellement l’envie de lire, il n’avait pas le profil type de l’intellectuel mondain, de la frange snob du monde littéraire. Il avait cette bonhomie apparente qui pouvait dérouter. Il faut dire que Pivot aimait aussi les bons vins et le football dont il était devenu un expert, il ne s’en cachait pas et ce n’est pas moi qui l’en blâmerais !

A la fois brillant et humble, Pivot restera un grand passeur, un grand initiateur de passions. Sa dernière passion à lui aura été Twitter, plusieurs centaines de milliers d’abonnés tout de même, lui conférant une ultime touche de modernité avant de filer retrouver dans un lieu tenu secret tous les grands personnages qui ont défilé sur son plateau.

Oserais-je l’avouer, avant même d’avoir écrit une ligne, je me suis longtemps imaginée, interviewée par Bernard Pivot sur mon dernier roman à succès bien entendu. Oui, oui, devant ma glace, je faisais les questions et les réponses. C’était grisant. Eh bien non, je viens de publier mon premier roman, un peu tard ma foi, et Pivot ne m’interrogera jamais…

(photo @Unsplash)